Le secteur de la Béguère
Profitons d’une promenade champêtre pour retrouver le passé de notre ville. Nous emprunterons l’avenue des Martinets puis le chemin de la Béguère. La distance à parcourir sera petite, quelques kilomètres tout au plus, mais elle nous emmènera très loin dans le temps, exactement en 1164, année où Arnaud de Gironde, seigneur de Minhac, donne en bail une partie de ses terres à l’abbaye cistercienne de Bonnefont. C’est l’abbé de Bonnefont qui, pour valoriser cette possession, décidera en 1285 avec le Sénéchal du Languedoc, représentant du roi de France, de la fondation d’une bastide nommée Plaisance. Mais cela est une autre histoire. Pour l’instant partons à la découverte du château que l’abbé de Bonnefont se fit construire près de ce qui allait devenir Plaisance puis, plus loin, de Bonnemaison de Minhac et de son église, et de quelques autres souvenirs du passé. Nous allons les rencontrer chemin faisant sur la route de la Béguère.
Le château de notre abbé
Notre première étape sera pour les 14/16 de l’avenue des Martinets. C’est là, sur la parcelle du « sol décimaire », que se trouvait le château de notre abbé, château qui fut incendié et détruit pendant les guerres de Religion, sans doute en 1595. Le chemin de « la rente » partant de l’avenue des Pyrénées, autrefois grand chemin de Bayonne à Toulouse, y menait directement coupant les terrains aujourd’hui occupés par l’Institut Saint Jean.
Parcelle du sol décimaire, chemin de la rente ? Ce sont sans doute des références aux revenus que l’on peut supposer importants tirés à Plaisance-du-Touch par l’abbaye de Bonnefont. En 1733, il ne reste du château que des « ruines avec fossés » indiquées sur la parcelle numéro 13 du deuxième moulon du compoix de 1733, autrement dit du deuxième quartier du cadastre de 1733. Aujourd’hui aucune trace n’en demeure mais notre ville en conserve le souvenir : le nom de petit Castet, le petit château, a été donné au lotissement occupant aujourd’hui cet emplacement.
Les moulins
Laissons l’abbé et son castet et continuons notre route. Passé le Merdagnon, l’avenue des Martinets reprend le nom de chemin de la Béguère qu’autrefois elle portait depuis son embranchement sur le chemin de la Casse. Nous découvrons à gauche la tour d’un moulin à vent puis les vestiges d’un moulin à eau. Ces moulins figurent sur la carte dressée par l’un des Cassini, « géographes du roi » au XVIIIe siècle mais ils sont bien plus anciens. Les registres paroissiaux nous disent qu’un Jean Miaux, « munier au Mardan » est décédé en 1703 à l’âge de 50 ans. Ces moulins avaient été solidement construits car ils fonctionnaient encore récemment. Le rôle des impositions de Plaisance nous apprend qu’en 1901 seulement l’activité commerciale du moulin à vent fut arrêtée ce qui ne veut pas dire qu’il ne moudra pas les grains de son propriétaire encore quelques années. Quant au moulin à eau, certains Plaisançois se souviennent y avoir apporté jusque dans les années 1950, pour nourrir le cochon, du maïs à moudre. La farine était mélangée à l’eau de la vaisselle car à cette époque le cochon remplaçait avantageusement nos actuelles stations d’épuration. Le chemin de « pose-farine » figure encore sur notre actuel cadastre. Il conduit à ces moulins et en rappelle l’importance économique. Au virage suivant nous laissons sur notre droite le château du Mardan qui existait déjà en 1733 et dont dépendaient les moulins.
L’église Saint Pierre de Touges
Continuons notre route. Comme pour le château de l’abbé, il nous faudra faire confiance au compoix de 1733 pour retrouver l’emplacement de l’église Saint Pierre de Touges, probablement église paroissiale de Minhac. Elle était construite sur la rive gauche, à l’extrémité d’une boucle que le Touch faisait à cet endroit. Le cours de la rivière fut redressé au XIXe siècle mais son ancien lit est toujours visible. La parcelle sur laquelle l’église a été construite est répertoriée sur le compoix de 1733 entre le château du Mardan et le domaine de la Grand Borde. Elle y est indiquée comme terrain communal avec « les bâtiments ou ruines de l’église Saint Pierre ». Le propriétaire de la Grand Borde se l’appropriera en 1824, ce qui amènera en 1830 monsieur Pozac, percepteur de Plaisance, à contester vigoureusement cette opération. Constatant qu’aucun acte de vente n’a été enregistré pour ladite parcelle, notre percepteur écrit en 1830 au préfet de la Haute Garonne « que la complaisance seule pour ne pas me servir d’autres termes, a pu masquer une usurpation aussi manifeste ». Diantre !
Certains disent, mais nous n’en avons aucune confirmation, que des ossements humains ont été retrouvés aux abords de cette parcelle. Ce ne serait pas surprenant car à l’époque les cimetières jouxtaient les églises. Ces ossements auraient été recueillis puis ramenés dans une fosse commune du cimetière de Plaisance. Nous ne savons pas exactement quand l’église Saint Pierre fut définitivement abandonnée mais elle est tombée en ruine faute d’entretien. Quant aux granges de Minhac il n’en existe nulle trace, elles étaient construites en briques crues et en torchis et ont dû disparaître dans les crues du Touch.
La Grande et la Petite Borde
La route passe ensuite entre les propriétés de la Grande et de la petite Borde. La Grand Borde, à gauche, figurait sur le compoix de 1733 preuve de son ancienneté. Dans son parc nous pouvons voir les restes d’une noria sans doute construite au XIXe siècle, époque depuis laquelle une dérivation du canal de Saint Martory assure au Touch en période de sécheresse un débit d’eau suffisant. L’irrigation des cultures ne date pas d’aujourd’hui ! La Petite Borde, à droite, doit être de création plus récente car elle ne figure pas encore sur le cadastre de 1832. Un peu plus en amont, se trouvait le pont de la Pigasse dont une pile est toujours visible dans le lit de la rivière. Il faisait communiquer la route de la Béguère avec celle de Lamasquère. Sur la rive droite, le chemin d’En Burgay qui y conduisait existe toujours alors que son prolongement rive gauche a disparu. Un pont privé, un peu plus en amont, facilitait à son propriétaire la culture sur les deux rives du Touch ; nous le savons par les contestations que sa construction sans autorisation suscita.
L’actuel château de la Béguère n’apparaît sur le cadastre qu’en 1832 ce qui laisse supposer qu’il a été construit peu avant cette date. Cependant, des granges de la Béguère, un peu en aval de l’actuelle propriété, sont mentionnées sur le compoix de 1733 et quelques Plaisançois se souviennent en avoir vu les ruines dans les années 1950.